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Alors que les affrontements se poursuivent dans plusieurs localités du Nord-Kivu, la rébellion du M23 a lancé les examens d’État dans les zones qu’elle contrôle. Une initiative inédite qui soulève de nombreuses interrogations, tant sur le plan logistique que politique.

Dans l’est de la République démocratique du Congo, la tenue des examens d’État reste un casse-tête dans les zones en proie aux violences. Contre toute attente, ces épreuves nationales ont été lancées à Goma, une ville sous contrôle du M23 depuis janvier dernier.

C’est le vice-gouverneur en charge de l’Administration et des Finances, Amani Mukuba Shadrack, qui a donné le coup d’envoi, dans une ambiance décrite comme « conviviale », selon les images relayées localement. L’objectif, selon les organisateurs, est clair : éviter une année blanche pour les élèves finalistes vivant dans les territoires occupés.

Une logistique assurée avec l’appui des humanitaires

Le déroulement des épreuves aurait été rendu possible grâce à une coordination entre les forces du M23 et certains partenaires humanitaires, dont l’UNICEF. Ces derniers auraient facilité l’acheminement des documents d’examen et le bon déroulement des sessions dans les zones sous influence rebelle.

« Nous, autorités du M23, supervisons l’organisation des épreuves dans les zones conquises. Nous avons bénéficié d’un appui logistique de partenaires, notamment l’UNICEF, pour que les examens puissent se tenir malgré le contexte », a déclaré un représentant du mouvement.

Des incertitudes dans les zones non contrôlées

Si dans les zones occupées les examens ont pu débuter, la situation reste bien plus incertaine ailleurs. Plusieurs localités du Nord-Kivu restent inaccessibles ou instables en raison des combats entre les rebelles du M23, les groupes armés locaux et les forces gouvernementales.

Les chiffres officiels concernant le nombre de candidats inscrits ne correspondent pas toujours à la réalité du terrain, et certaines localités ont été contraintes de lancer les examens sous des administrations parallèles, en marge du pouvoir central.

Une légitimité contestée

La cohabitation de structures administratives concurrentes entre le gouvernement de Kinshasa, les forces du M23 et leurs alliés du mouvement armé AFC rend la reconnaissance officielle de ces examens particulièrement délicate. Sur le terrain, la guerre a déjà entraîné la destruction d’écoles, le déplacement de familles et la déscolarisation de nombreux enfants.

Dans ce contexte, l’initiative du M23 soulève des questions de fond : ces examens auront-ils une valeur nationale ? Seront-ils reconnus par le ministère de l’Éducation ? Et surtout, que deviennent les élèves pris au piège dans les zones encore inaccessibles ?

L’organisation des examens d’État par le M23 dans les zones qu’il occupe au Nord-Kivu illustre la complexité croissante de la gouvernance en temps de conflit en RDC. Si cette initiative permet à certains élèves de ne pas perdre leur année scolaire, elle met en lumière les fractures institutionnelles et les réalités parallèles qui s’installent sur le territoire. Entre besoin d’éducation, contrôle politique et guerre d’influence, c’est toute la légitimité de l’État qui se trouve questionnée. Reste à savoir si ces épreuves, tenues hors du cadre gouvernemental officiel, bénéficieront d’une reconnaissance nationale — et surtout, ce qu’il adviendra des milliers d’autres élèves encore pris entre les lignes de front.

Awa Jean de Dieu, Depuis Goma, pour FACT-OGL

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