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Une démonstration silencieuse de puissance régionale

Alors que la République Démocratique du Congo (RDC) reste absorbée par ses débats politiques internes, ses querelles institutionnelles et les négociations diplomatiques autour de la crise sécuritaire à l’Est, ses voisins immédiats — le Rwanda et l’Ouganda — consolident méthodiquement leurs appareils militaires.
En l’espace de quelques jours, Paul Kagame et Yoweri Museveni ont chacun présidé d’importantes cérémonies de graduation militaire, marquant un tournant stratégique dans la montée en puissance de leurs forces armées respectives.

À Kigali, 1 029 nouveaux officiers pour renforcer la RDF

Le président rwandais Paul Kagame a officié à la cérémonie de commission des 1 029 nouveaux officiers cadets à l’Académie Militaire de Gako, dans le district de Bugesera.
Devant les rangs serrés des jeunes officiers, il a prononcé un discours centré sur le travail, la résilience et la discipline, rappelant que le Rwanda « n’a pas encore atteint ses objectifs » et qu’il reste « beaucoup à faire ».

Ce message, à la fois patriotique et rigoureux, s’inscrit dans la philosophie du régime rwandais : une armée au cœur du projet national, formée à la fois dans la loyauté et dans la compétence stratégique.

Cette promotion, minutieusement encadrée, vient consolider la Rwanda Defence Force (RDF), connue pour sa discipline et son efficacité.
Elle témoigne d’une continuité dans la vision sécuritaire de Kigali : former régulièrement, structurer solidement et maintenir une armée jeune, prête et loyale.

En Ouganda, Museveni encadre la relève militaire à Kabamba

De son côté, le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni a présidé, à Kabamba, la cérémonie de commission de nouveaux officiers de l’armée nationale.


Dans son message, il a salué le travail du Commandant en chef des Forces de Défense (CDF) et des instructeurs pour « l’excellent travail de formation », tout en félicitant les nouveaux officiers pour leur réussite.

L’Ouganda, engagé depuis plusieurs années dans des opérations conjointes contre les groupes armés à l’Est du Congo, poursuit sa stratégie de renforcement doctrinal et tactique, axée sur la formation régulière et la fidélité à l’État.


Cette nouvelle cohorte s’ajoute à une armée déjà structurée, active sur plusieurs fronts, et souvent utilisée comme instrument d’influence régionale.

Une corrélation de forces qui interroge

La juxtaposition de ces deux événements militaires n’est pas anodine.
Tandis que Kigali et Kampala renforcent leurs capacités humaines et stratégiques, Kinshasa, elle, reste engluée dans ses crises institutionnelles, ses luttes internes et ses réformes inachevées dans le secteur de la défense.

Sur le plan purement militaire, le Rwanda et l’Ouganda disposent de forces professionnelles, disciplinées, encadrées et régulièrement recyclées, là où la RDC peine encore à stabiliser ses chaînes de commandement, à assurer la cohésion et à maîtriser les zones d’opérations dans l’Est.

Cette différence structurelle contribue à l’asymétrie du rapport de force régional :

Le Rwanda mise sur une armée compacte, idéologiquement soudée et technologiquement équipée.-L’Ouganda s’appuie sur une armée massive, expérimentée, engagée sur plusieurs théâtres d’opérations.-La RDC, malgré ses effectifs importants, reste confrontée à des problèmes de formation, de coordination et de loyauté interne.

Analyse politique : quand les voisins s’arment, Kinshasa discute

L’évolution parallèle du Rwanda et de l’Ouganda dans le domaine militaire traduit une vision stratégique claire : assurer la sécurité nationale par la puissance.
À l’inverse, la RDC semble encore prisonnière d’un modèle politique fragmenté, où les priorités sécuritaires cèdent souvent la place aux débats politiques et aux calculs électoraux.

Pendant que Kigali et Kampala investissent dans la discipline et la préparation, Kinshasa débat encore d’accords régionaux, de dialogues ou de remaniements institutionnels.
Cette différence d’approche façonne, à moyen terme, l’équilibre des forces dans la région des Grands Lacs.

Si la RDC ne parvient pas à reconstruire une armée professionnelle, apolitique et cohérente, elle risque de demeurer dépendante des initiatives de ses voisins et de perdre l’initiative sur le terrain.

la puissance se prépare, elle ne se déclare pas

L’image est claire : pendant que le Congo parle, ses voisins forment, préparent et structurent.
Dans le jeu régional des Grands Lacs, la puissance ne se mesure plus seulement aux discours ou aux alliances, mais à la capacité de chaque État à produire et encadrer une génération de soldats disciplinés et compétents.
Et sur ce plan, Kigali et Kampala semblent, pour l’instant, avoir une longueur d’avance.

La Rédaction

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Une réflexion sur “ Afrique des Grands Lacs : pendant que Kinshasa débat d’accords et d’instabilité, Kigali et Kampala renforcent leurs armées

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