

Ce qui devait être un simple rassemblement politique a tourné court ce mardi matin vers 10h, sur le terrain de Funu, dans la commune de Kadutu. Le meeting, convoqué par Samuel Byamungo Kazimiri – bourgmestre nommé par l’administration rebelle de l’AFC/M23 – visait à mobiliser les jeunes pour rejoindre l’Armée Révolutionnaire Congolaise (ARC), bras armé du mouvement rebelle.
Selon Luc Ilunga, chef du quartier Cimpunda, une grenade a été lancée par des individus non identifiés au moment où le bourgmestre s’adressait à la foule. L’explosion, qui a frôlé de près l’autorité communale sans le blesser, a semé la panique. Aucune communication officielle sur le bilan n’a encore été publiée, mais des blessés et plusieurs décès ont été rapportés, notamment à cause d’un véhicule ayant fauché des passants sur l’Avenue Industrielle en tentant de fuir la scène.
Des éléments du M23 escortant le bourgmestre ont répliqué en tirant des coups de feu, intensifiant la panique dans la commune.
Le choix du terrain de Funu n’est pas anodin : il s’agit du même lieu où, peu avant l’entrée du M23 à Bukavu, le politicien local Jules Kahasha, dit Foka Mike, avait organisé un important meeting appelant la jeunesse à résister à “l’agression rwandaise et à ses supplétifs du M23”. Ce précédent avait donné au terrain une forte symbolique patriotique.
Ce contexte confère une charge politique particulière au meeting organisé par le M23. Plusieurs observateurs s’interrogent sur les intentions derrière l’utilisation de ce site. S’agissait-il d’une volonté d’effacer la mémoire d’un acte de résistance ou de réaffirmer un contrôle politique sur un lieu désormais symbolique ?
Des interrogations émergent également autour de la possible réaction des groupes d’autodéfense Wazalendo, pour qui Funu représente un bastion de leur lutte. Certains évoquent une provocation ou une tentative d’appropriation de l’espace par les nouvelles autorités, d’autres parlent d’un règlement de comptes politique.
Par ailleurs, le terrain de Funu, érigé grâce au sénateur Modeste Bahati Lukwebo, est considéré comme une zone d’influence naturelle pour deux poids lourds de la politique provinciale : Bahati lui-même et Vital Kamerhe. La tenue d’un meeting par une autorité nommée par le M23 sur ce site soulève donc aussi la question d’un possible affront symbolique.
Le bourgmestre Samuel Byamungo cherchait-il à s’imposer comme nouvelle figure d’autorité dans un territoire hautement disputé ? L’absence de revendication de l’attaque et le silence de l’AFC/M23 laissent planer le doute sur les motivations réelles et les implications de cet événement.
Au-delà des symboles et des spéculations, cet incident met en lumière une réalité plus grave : l’insécurité persistante à Bukavu et dans les zones sous contrôle rebelle, où la paix peine à s’installer.
En attendant une réaction officielle, les blessés, eux, doivent composer avec les conséquences immédiates d’une lutte politique de plus en plus violente.
La Rédaction